Trois ans ferme pour braquage

Quatre ans d'emprisonnement, dont une année assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans. C'est une peine habituellement prononcée par les juges des tribunaux correctionnels, qui est venue clore, hier, le procès devant la cour d'assises de Quentin, un Montois âgé de 20 ans, accusé du braquage du bureau de tabac de Saint-Jean-d'Août, commis le  20 janvier 2010.Le jeune homme aura finalement obtenu cette « chance » qu'il a réclamée  aux jurés, juste avant qu'ils ne se retirent pour un délibéré de trois heures. « Je peux m'en sortir », leur a-t-il assuré.Pour les cinq membres de la famille du jeune accusé, soudés comme un seul homme, sur les bancs de la salle d'audience, ce verdict a la saveur du soulagement. Car Quentin encourait jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. Une épée de Damoclès dont il n'a pas semblé soupeser le véritable enjeu, durant les deux jours qu'ont duré son procès, ne laissant filtrer aucune émotion, et ne sachant verbaliser ses ressentis, voire ses regrets envers le buraliste auquel il a extorqué 450 euros et une cartouche de cigarettes, le jour des faits.« Objectivement violent »Une victime autour de laquelle les débats ont très peu tourné, si ce n'est lors de sa déposition à la barre, lundi. Dans une attitude un peu résignée, le tenancier avait d'ailleurs tout fait pour qu'on ne s'apesantisse pas sur son cas, se décollant lui-même l'étiquette de victime, en évoquant « les risques du métier. » Si bien que son avocate, Me Corinne Capdeville, a souhaité  durant sa plaidoirie « remettre les choses à leur place », hier. « Je ne suis pas du tout d'accord avec cette approche des faits, a-t-elle commencé. La victime n'avait absolument rien demandé. On a l'impression qu'il minimise les faits alors que pour lui, son commerce, c'est toute sa vie », poursuit-elle.  L'avocate a également appuyé sur le coup de feu tiré par l'accusé, au moment de prendre la fuite, qui crée chez le buraliste « une sensation d'insécurité qui persiste ». « Je vous demande d'avoir bien à l'esprit que les faits étaient très graves, que la victime a eu très peur, et qu'elle a encore peur aujourd'hui », résume Me Capdeville.Car le soir des faits, l'accusé a montré un visage « objectivement violent », d'après l'avocat général, Emilie Abrantes. « Le 20 janvier 2010, il a su se montrer déterminé, calculateur, violent, et il a commis un crime pour lequel il encourt 20 ans de réclusion », énumère-t-elle.Pour la magistrate, il s'agit d' actes « longuement élaborés, avec un mode opératoire extrêmement bien préparé ». Elle rappelle la décision du passage à l'acte prise la veille, le choix du bureau de tabac, « sélectionné avec soin », la détention d'une arme « chargée et dissimulée » , et des vêtements « choisis »  pour se camoufler le visage, incendiés par la suite...« S'il n'est pas un grand nom du banditisme, tout cela démontre qu'il n'a pas agi sur un coup de tête. Il a pensé à beaucoup de choses, et ce n'est pas commun. »Puis la magistrate s'est attardée sur le coup de feu tiré en direction du buraliste « de manière gratuite et froide », « sans conscience de la gravité des faits ». « Tirer à 1,5 mètres avec une arme réelle, en direction du tenancier, ce n'est pas sans conséquence. Il pouvait y avoir d'éventuels mauvais ricochets. »La magistrate souligne également « les traits antisociaux » pointés par le rapport d'expertise psychiatrique, et l'absence d'empathie  vis-à-vis de la victime, « si ce n'est au cours de cette audience ». Mais ces excuses sont « tardives » et « factices », d'après elle.Egrenant les sept condamnations judiciaires du jeune homme, qui lui ont valu des peines de sursis avec mise à l'épreuve et du travail d'intérêt général, elle déclare rompu « le contrat de confiance » passé entre le jeune homme et la justice. Pour elle, l'accusé a fait « le choix de la délinquance » : « Son casier est l'illustration de tous les paliers que l'on peut franchir dans le code pénal. La dernière marche est la prison ferme », conclut-elle en réquérant une peine de sept années d'emprisonnement.« No future ! »Un « curseur placé bien trop haut », pour l'avocat de la défense, Me Frédéric Dutin, qui commence sa plaidoirie fortissimo. Des foudres dirigées en premier lieu contre l'expertise  psychiatrique, qui conclut à la présence de « traits antisociaux » chez son client :  une « analyse à l'emporte-pièce », selon lui, qu'il balaie d'un revers de manche. « Douze lignes d'analyse pour nous dire que Quentin est asocial ! On nous dit, ''No future pour Quentin'', à l'issue d'une expertise qui a duré une heure ! Les choses n'ont pas été creusées », considère-t-il.Lui, lit dans ce dossier l'histoire du « Vilain petit canard » :  « C'est  l'histoire de la différence, de l'intégration, de la difficulté à s'assumer, à grandir.  Quentin ne  s'aime pas, car il est le reflet de ses échecs, alors que sa grande sœur réussit si bien et que ses parents attendent tant. »Et de raconter comment, d'échecs scolaires en avertissements, d'incidents disciplinaires en exclusions, le jeune homme a baissé les bras. Avant de travailler pendant 16 mois dans une entreprise de plomberie, auprès d'un patron dans lequel Quentin avait  toute confiance.« Mais quand son patron décède, le château de cartes s'écroule. Il s'isole, il s'enferme, il fume du cannabis à la douille, seul dans sa piaule, qui est un vrai capharnaüm. Toutes les conditions sont réunies pour en arriver là. »L'avocat exhorte à aller « au-delà des apparences qui, parfois, concédons-le, peuvent être désagréables. Il se livre tel qu'il est : un garçon démoli, qui est en reconstruction. Un enfant qui pourrait être le vôtre », lance-t-il aux jurés.Un « enfant », aussi, dont le dossier aurait pu être correctionnalisé, selon lui, en violences avec arme, et éviter ainsi la cour d'assises. « Or, on est au taquet, au niveau des réquisitions, grince-t-il. Derrière cette image, il y a un petit garçon qui a manqué des marches et qui pour autant ne doit pas être enfermé sans espoir. »L'enfermement ne sera pas de longue durée et n'aura d'ailleurs pas été la seule réponse fournie par la cour : condamné  à quatre ans d'emprisonnement, dont une  année avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans - ce qui équivaut à trois ans de prison ferme -  Quentin devra également suivre une thérapie, rembourser les dommages causés lors du braquage, et a l'interdiction de détenir une arme. 

Uncategorizedold