Surpopulation endémique
PRISONS. A l'occasion de la Journée nationale de sensibilisation sur la situation dans les prisons, les avocats pointent du doigt le cas de Mont-de-MarsanL'Observatoire des prisons a lancé hier, pour la deuxième année consécutive, une journée nationale de sensibilisation sur la situation dans les lieux de détention. A Mont-de-Marsan, dans le cadre de la conférence des bâtonniers, Mes Frédéric Dutin et Philippe Malet ont été désignés par leurs confrères pour communiquer sur le sujet. Leur but était d'attirer l'attention du grand public sur le problème des maisons d'arrêt en général et celle de Mont-de-Marsan en particulier.Sur un plan général, les avocats montois rejoignent leurs confrères sur tous les points : la détention provisoire doit être l'exception au principe général de la liberté. « Il existe des mesures alternatives comme le contrôle judiciaire ou la surveillance électronique, notent-ils. Nous considérons que la sanction est légale, la peine légitime mais que la peine poursuit deux buts : la sanction et la réinsertion. Or la surpopulation qui règne actuellement dans toutes les prisons de France rend impossible la réinsertion et ôte son sens à la finalité de la peine. »Les avocats considèrent que certaines détentions sont une atteinte à la liberté de la personne. Le fait que le taux d'occupation moyen des prisons soit de 125 %, et que certaines franchissent la barre des 200 %, est à leurs yeux un obstacle à la réadaptation à une vie sociale normale. En France, au 17 mars 2004, 61 032 personnes étaient détenues. « La détention provisoire doit être exceptionnelle, expliquent les avocats. Mais sur les renvois en cour d'assises, on assiste parfois à une double exception car les temps de détention couramment admis (un an puis par tranche de six mois renouvelable sur réquisition du parquet) sont régulièrement dépassés. Certaines affaires mettent quatre ans pour présenter l'accusé devant la cour. »Jusqu'à 103 détenus. A Mont-de-Marsan, la maison d'arrêt située en plein centre-ville,classée sur la liste de réserve des Monuments historiques, date de 1802 ! Depuis, en dépit des nombreux efforts accomplis pour rendre le lieu aussi « vivable » que possible, de nombreux travaux ont été entrepris. Mais on ne peut pas pousser les murs. La maison d'arrêt est mal conçue à la base, elle peut théoriquement accueillir 76 détenus et on est parfois monté à 103. Les détenus ne sont pas en cellules comme dans d'autres prisons mais en chauffoirs, grands dortoirs dont l'un héberge 16 personnes. C'est énorme et les jours oú les écrous sont vraiment à la hausse, il faut sortir des matelas rangés sous les lits pour permettre aux nouveaux arrivants de se reposer.Frédéric Dutin et Philippe Malet jugent inadmissibles ces conditions de vie mais reconnaissent volontiers l'énorme travail effectué par les directeurs et les surveillants de l'établissement : « Le directeur, Jean-Pierre Talki, est un homme de valeur qui sait aplanir les difficultés avec beaucoup d'humanité. Nous, les avocats, nous savons quels efforts déploie l'ensemble du personnel dans des conditions difficiles pour que la vie rue Dulamon ne soit pas trop galère. Mais les hommes ne peuvent rien contre les pierres. Les cours de promenade sont trop petites, il faut mélanger les condamnés et les hommes en attente de jugement.« Certains prisonniers restent six ans à Mont-de-Marsan, entre la détention provisoire et leur mutation après leur condamnation par la cour d'assises. Quant aux délinquants sexuels, il serait bon de les séparer des autres détenus dans la mesure oú ils sont rejetés par la communauté. Ils purgent plus difficilement leur peine. Enfin, sur le plan du suivi médical, les prisonniers peuvent consulter un psychologue de Sainte-Anne une fois tous les quinze jours, un infirmier psychiatrique est également disponible et surtout le docteur Palluel, généraliste et médecin légiste, s'occupe d'eux avec beaucoup de dévouement. Mais sur le plan de l'effectif, c'est vraiment insuffisant. »En attendant Saint-Avit. En 2008, un nouveau centre pénitentiaire doit ouvrir ses portes à Saint-Avit. D'ici là, les pensionnaires de la rue Dulamon continueront à s'entasser, et ceux qui ont charge de les surveiller multiplieront les efforts pour que tout se passe le moins mal possible. Malgré ces conditions de vie vraiment précaires, il n'y a eu aucune tentative de suicide rue Dulamon ces trois dernières années. Par contre, un homme a mis fin à ses jours le 25 février 2002.L'aspect familial (les visites sont nombreuses) et le dévouement des gardiens font des miracles. Les rigueurs de l'hiver et la canicule, elles, font des dégâts dans des locaux, certes propres et bien entretenus, mais vétustes et exigus oú les prisonniers sont bien trop nombreux