La descente aux enfers d'un couple fusionnel

C'était le matin du 12 juillet 2008, dans un appartement à Dax. Il s'est réveillé. Il a pleuré, pris un café, appelé sa mère et s'est rendu au commissariat pour dire que sa compagne Alexandra était morte. Hier, au bout de deux ans d'instruction, Jean-Claude Chalmé comparaissait devant la cour d'assises des Landes, accusé d'avoir étranglé sa concubine au cours d'une nuit de dispute de violence et d'alcool.Dans le box des accusés, l'homme âgé de 33 ans comparaît entouré de deux policiers. Petit, un peu rond, cheveux bruns coupés court, il porte un pull bleu sur une chemise grise. Buste immobile, le regard est désespérément éteint. Pendant la lecture de l'arrêt de renvoi les mots « hémorragie », «lésion de la rate » le font se tordre un peu. Puis la présidente Catherine Mollet dit : « Monsieur, vous êtes accusé de meurtre ». Il semble sursauter.Au cours de la première journée d'audience consacrée à la personnalité de l'accusé, Jean-Claude Chalmé aura parfois peiné à se livrer. Phrases courtes, ton monocorde, il débute généralement ses interventions par un « je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit ».À bien des égards, le récit de sa vie avec sa compagne présente tous les dehors d'une chronique de la misère ordinaire. Faite d'errance, de violence et d'alcool. « Deux solitudes qui se sont télescopées » dit Me Frédéric Dutin qui assure sa défense avec Me Muriel Arqué.Toute la journée, la cour s'est attachée à comprendre les ressorts de cette alchimie vraisemblablement toxique qui le liait à Alexandra. Elle avait 15 ans lorsqu'ils se sont rencontrés. Lui en avait 20. Elle était placée, lui l'avait été aussi. « Ça a été le coup de foudre » dit Jean-Claude Chalmé.« Quand tout bascule »Ils vivent ensemble très vite. Ils ont deux filles. Puis un appartement plus grand. Et un troisième bébé qui décédera de la mort subite du nourrisson. « Tout a basculé à partir de ce moment-là. Au début, ça nous a rapprochés, puis on s'est mis à boire beaucoup » explique l'accusé.Dans la vie du couple, les petits boulots ne tiennent pas. Les déménagements s'enchaînent. Des appartements, des caravanes. Parfois une voiture. L'alcool, toujours. Les bagarres aussi. Les appartements sont régulièrement dévastés, portes, fenêtres, meubles cassés. Les témoins voient Alexandra avec des bleus. Elle, un jour, lui enfonce un manche à balais dans l'épaule. Elle casse des télés. Les enfants sont placés. La descente aux enfers.Elle s'en va parfois. Elle essaye. On la retrouve à Paris, à Tarbes, et même à Mont-de-Marsan, avec un autre homme. Ils se retrouvent. Toujours. « Je l'aimais » balbutie l'accusé. « Il est dans un mode de dépendance, tant dans l'alcool que dans ses relations avec les autres » dit l'expert psychologue.Restent les faits qui seront examinés aujourd'hui. « Il ne se sent pas responsable, il y a beaucoup d'angoisse derrière tout ça. Il se sent victime de la fatalité. Il dit que « ça » lui est arrivé, il est sur le mode de la confusion avec la victime » poursuit la psy.Restent aussi deux filles. « Le fil rouge dans la vie des deux amants » dit Me Dutin. Un jour, « le fil rouge s'est coupé ». Leur éducateur dépose. Il parle d'Alexandra aussi. En vieux renards des prétoires Me Dutin et Me Arqué qui vont vraisemblablement demander la requalification en violences volontaires ayant entraîné la mort, appuient certains éléments de la personnalité de la victime. « Une extrême instabilité ». « Une difficulté dans ses rapports aux autres ».L'éducateur parle du jour où il allait annoncer aux filles que leur père avait été écroué. Elles avaient compris avant. « C'est papa qui l'a tuée »,  ont elles dit à l'éducateur. Depuis la prison, Jean-Claude Chalmé a envoyé des lettres aux enfants. Il leur a écrit qu'il était désolé. Mais aussi qu'il ne l'avait « pas fait exprès et que « ça pouvait arriver à tous les parents ». Ça, les fillettes n'ont pas pu l'entendre. 

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