"J’ai souffert des images diffusées sur Internet"

"En matière de manipulation d’images, il s’agit ici d’un cas d’école ", s’emporte Frédéric Dutin, l’avocat de la famille Dutouya. Hier soir, après six heures de débats animés autour d’une question centrale – " Existait-il une tolérance implicite pour la chasse à la matole ? " –, l’heure n’était plus au débat d’idées, mais aux faits. " La Ligue de protection des oiseaux (LPO) fait des opérations coup-de-poing depuis des années parce que les autorités judiciaires ne poursuivent pas les chasseurs à la matole, et c’est ça, le légalisme dont elle se revendique ? La légalité, ce serait de porter plainte et pas de se substituer aux autorités ! "Le 9 novembre 2015, un groupe de militants de la LPO, dont son président, Allain Bougrain-Dubourg, et deux équipes de France Télévisions pénètrent dans un champ entre deux maisons de la famille Dutouya, à Audon, petit village des Landes, pour y relever des pièges, des matoles, destinés à la chasse interdite d’ortolans, de pinsons, mais aussi d’alouettes, qu’on peut chasser avec une autorisation préfectorale.Certaines images de l’altercation qui va suivre ont fait le tour du monde : on y voit Jean-Marc Dutouya sortir de chez lui en slip, attrapant une pelle au passage, son fils Éric raccompagner manu militari Allain Bougrain-Dubourg vers la route et enfin Patrick, le frère de Jean-Marc, se faire menaçant avec un hapchot. " Un véritable lynchage médiatique ", rappelle leur avocat.Une opération préméditée ?Hier, le tribunal a pu voir ce que le désormais célèbre montage de France Télévisions ne montre pas forcément. On comprend que les militants de la LPO se sont arrêtés ce matin-là une première fois, sur une chasse isolée, où plusieurs images ont été tournées, notamment celles où on voit des oiseaux. Puis le commando a fait une seconde halte, dans un terrain qui se trouve entre les deux maisons de la famille Dutouya. " Voulait-il volontairement provoquer une altercation ? s’interroge l’avocat. Quel était le but de cette expédition ? "Ceux qui se sont considérés ce jour-là les victimes de violences, mais sans aucun jour d’ITT, comme Allain Bougrain-Dubourg ou Philippe Jeudi de Grissac, ne sont pas à l’audience, ce qui ne manque pas d’agacer le président du tribunal, Jérôme Carbonell. Nicolas Gendre, lui aussi membre de la LPO et victime, est quant à lui bien présent : " Nous avons vu ces gens nous foncer dessus, nous avions pénétré dans un champ près d’habitations, mais il n’y avait pas de clôture. Nous venions parce que nous soupçonnions qu’il y avait des matoles. "Me Ruffier, l’avocat de la LPO, en a donné plus tôt dans l’après-midi l’explication : " Quand les verbalisations se sont arrêtées, en 2003, nous avons loué des avions, à nos frais, pour repérer les chasses. " Quant aux violences, l’avocat a rappelé que " les prévenus reconnaissaient spontanément les violences et les deux coups de pelle ". Une peine de trois mois de prison avec sursis a été requise par le parquet de Dax à l’encontre de Jean-Marc Dutouya.