Meurtrier par amour
COUR D'ASSISES DES LANDESTel est apparu hier à la barre Jacky Lutau, poursuivi pour le meurtre de Jean Gabarre et la tentativede meurtre à l'encontre du beau-frère de ce dernier, Jean Aguerre.Des faits sanglants qui remontent au 24 mai 1996C'est une affaire particulièrement sordide qui est évoquée depuis hier matin devant la cour d'Assises des Landes. Une juridiction présidée par le conseiller Ville et pour laquelle Jacky Lutau, un SDF âgé aujourd'hui de 56 ans, est poursuivi pour y répondre du meurtre de Jean Gabarre et de la tentative de meurtre à l'encontre de son beau-frère Jean Aguerre.Hier, la première journée de ce procès a permis de planter le décor de ce drame sanglant survenu le 24 mai 1996, dans le campement appartenant et occupé par les familles Gabarre et Aguerre, sur la petite commune de Laglorieuse, dans la périphérie de Mont-de-Marsan. Un terrain acheté par ces familles de gitans sédentaires qui, de l'avis même de l'adjudant Beaumier, vivent en totale autarcie, dans un état sanitaire déplorable. « Ici, le temps s'est figé, comme à la fin du XIXe siècle. Tous les enfants sont analphabètes et n'ont jamais suivi la moindre scolarité. Quant à l'état sanitaire général, il s'avère plus que réduit au strict minimum. Ainsi, le campement regroupant cinq caravanes et un cabanon ne comprend en tout et pour tout qu'un seul point d'eau. Pour autant, les familles qui y résident ne se sont jamais faites connaître défavorablement par rapport à nos services », souligna le gradé de la gendarmerie.CARENCESIl n'empêche que cette première journée d'audience aura montré du doigt de nombreuses carences, tant au niveau des services sociaux qu'au niveau de l'enquête et du Parquet. Ainsi, peut-on légitimement être pour le moins surpris que ces familles de gitans aient vécu pendant des années dans un tel contexte de délabrement hygiénique sans que les enfants du « clan » ne soient jamais scolarisés ni pris en charge par le moindre organisme social. De la même manière, on ne peut que s'étonner du fait que les rumeurs persistantes indiquant que Marie-Bénita Gabarre, qui aurait été violée successivement par son père et par son frère, n'aient aussitôt fait l'objet d'une enquête circonstanciée de la gendarmerie. Faits qui seront par la suite démontrés _ du moins en partie _ lors de ce drame sanglant.DÉJA CONDAMNÉCar le mobile du meurtre et de la tentative de meurtre affiché hier devant les jurés _ avec force _ par Jacky Lutau, n'a pas varié. Cet ancien chauffeur routier, saintais d'origine, qui fut marié à deux reprises et eut trois enfants avec des femmes différentes, échoua brusquement dans la délinquance dans les années 75 alors qu'il tenait un bar à Paris, à Saint-Michel. « À l'époque, j'ai été l'objet de racket », affirma le prévenu à la barre. Lequel sera par la suite condamné par la justice à six reprises pour diverses affaires dont une peine de réclusion criminelle de 10 ans prononcée en 1978.Un passé judiciaire « chargé » sur lequel, en dépit des questions pressantes de la présidente, l'accusé ne s'est guère avéré disert, lui qui a tendance au contraire à fourmiller de détails sur les faits survenus dans la soirée du 24 mai 96.SOUS L'EMPRISEDE L'ALCOOLCe soir là, l'accusé tant que les victimes ont bu plus que de raison comme le démontreront les analyses sanguines. Dans le cabanon, le ton monte rapidement. Une première altercation oppose alors Jacky Lutau à Jean Aguerre, le beau-père de Bénita, la jeune femme dont l'accusé était amoureux. Jacky Lutau sort alors de sa poche un couteau avec lequel il assène plusieurs coups, au niveau du bas-ventre et du bras gauche.Sa victime, ensanglantée, sort alors du cabanon et prend la fuite en compagnie de Bénita. « J'étais amoureux de Bénita. J'avais assisté à des scènes de viols perpétrés par son père et par son frère. Je voulais à tout prix la sortir de ce milieu afin de la sauver », répéta Jacky Lutau afin d'expliquer son comportement qui tournera par la suite au geste meurtrier. Car une fois sorti du cabanon, il aurait été pris à partie par le père de la jeune femme. Lequel lui aurait alors déclaré tout de go : « Bénita, tu l'emmènes pas. Moi, j'ai eu un enfant avec elle et elle est à moi ! ».Fou de colère et de « dégoût » (sic), Jacky Lutau lui aurait alors asséné quatre coups de couteau au niveau du thorax et du ventre dont une plaie mortelle à l'abdomen.Hier, à la barre, la mère, Pétra Gabarre, voûtée et s'appuyant sur une canne, n'hésitant pas à lever cette dernière en s'écriant à l'adresse du prévenu : « C'est un assassin, il faut le tuer ! » ainsi que sa fille Bénita et son fils Albert, qui se sont tous les trois constitués parties civiles, ont fait front commun, retrouvant leur esprit de « clan » et n'hésitant pas à charger l'accusé.