Le doute profite aux parents
JUSTICE. Un couple soupçonné d'avoir corrompu son jeune enfant, en le faisant participer à ses jeux sexuels, a été relaxé par le tribunal de Mont-de-MarsanQuel crédit apporter à la parole d'un enfant à la personnalité fragile ? La question était au centre des débats, mardi après-midi, lors de l'audience du tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan présidée par le juge Philippe Ballu. Un couple y comparaissait, dans le cadre d'une citation directe lancée par l'UDAF. Il leur était reproché d'avoir, entre le premier trimestre 2 000 et mars 2002, corrompu leur fils, alors âgé de 8 ans, en l'emmenant au cabaret, en faisant l'amour devant lui, ou en visionnant avec lui des cassettes pornographiques.L'affaire avait été révélée dans le cadre d'une autre procédure. L'enfant avait en effet été violé par son oncle. Ce dernier avait été condamné en juin 2002 par la Cour d'assises des Landes. Lors de ses auditions, puis en 2003 alors qu'il était placé au Foyer de l'enfance, la jeune victime, en proie à une grande souffrance, avait expliqué que son père procédait à des attouchements et lui faisait voir « des films de tripoteurs ». L'enfant avait même évoqué une tentative de fellation. Le parquet avait cependant estimé que ces déclarations, en l'absence de preuves matérielles et du fait de contradictions, pouvaient être sujettes à caution. Il n'avait pas donné suite. Mais l'UDAF avait considéré le témoignage suffisamment convaincant pour tenter une citation directe.Disposition au mensonge ? Mardi, le père s'est effondré à la barre en écoutant ces accusations. « Je n'ai rien fait de tout ça, j'aime mon fils, et je ne l'ai jamais fait participer à mes ébats sexuels. » Et si le juge Ballu a relevé avec méthode les affirmations de l'enfant, il est resté prudent, observant notamment que le psychiatre avait noté chez ce dernier une tendance à la provocation, voire « une disposition au mensonge. »« Si nous sommes ici, c'est que le jeune garçon souhaite qu'on lui rende justice, a expliqué Me Letang-Florel, pour l'UDAF. Ce petit enfant qui voulait mourir à l'âge de 4 ans en se tapant la tête contre les murs, en se jetant à l'eau et qui ne rêvait que de travailler dans un abattoir afin de faire mal aux animaux, doit être écouté. Cet enfant qui, à 5 ans, pouvait expliquer aux enquêteurs ce qu'était un film pornographique n'a fait que dénoncer des faits très graves commis par son tonton et ses parents. Son mal-être est antérieur au viol, il est imputable à son père et à sa mère. »Le procureur, Pierre Arnaudin, a cependant fortement nuancé ce point de vue. « Nous avons certes, dans cette affaire, un enfant qui va extrêmement mal et des parents qui souffrent de graves carences éducatives, a-t-il observé, mais le jeune garçon a eu des déclarations fluctuantes. Il s'est parfois contredit, les perquisitions n'ont pas permis de retrouver des cassettes pornographiques et il n'a apparemment jamais été emmené au cabaret. » Pour autant, a-t-il ajouté, « je ne dis pas que ce qu'il dit est faux. Je n'en sais rien. »Me Frédéric Dutin, pour la défense, a interrogé. « Est-ce que cet enfant décrit ce qu'il a vécu de la part de ses parents ou de son oncle ? » Une interrogation nourrie par les rapports de l'expert psychologue et des gendarmes qui ont noté chez l'enfant « des difficultés à maîtriser l'espace temps », « des confusions dans le discours », une tendance à la provocation. « Dans ce dossier, a en outre estimé l'avocat, nous n'avons pas d'éléments matériels. Nous ne pouvons nous fier qu'aux déclarations d'un petit enfant déboussolé. »Des arguments qui ont sans doute convaincu les juges. « Il existe un doute quant à la matérialité des faits, a expliqué le juge Ballu aux prévenus, au moment du délibéré, et la loi nous impose de vous en faire bénéficier. » Le tribunal a donc prononcé la relaxe pour les deux parents.