Le caractère homophobe a été rejeté à l'unanimité

Il est 17 heures lorsque la présidente de la cour d'assises des Landes, Catherine Mollet, prononce le verdict : Thierry Ransinangue est déclaré coupable du meurtre de Dominique Leclere et de la tentative de meurtre sur Philippe Guignet. En répression, il est condamné à douze ans de réclusion criminelle. Dans la salle bondée, l'émotion est palpable ; le soulagement aussi. Car la cour et le jury populaire viennent de rejeter à l'unanimité le caractère homophobe du crime, circonstance aggravante qui faisait encourir à l'accusé l'emprisonnement à perpétuité.Cette nuit du 6 au 7 juillet 2006, à Parentis-en-Born, Thierry Ransinangue a bien commis l'irréparable, mais il n'a pas agi en raison de l'orientation sexuelle de ses victimes, toutes deux homosexuelles. Un point essentiel dans cette affaire qui, avec la question de l'intention homicide, a opposé durant toute la matinée d'hier le ministère public et la défense.« Bombe à retardement »Pendant deux heures, chaque camp présente ses arguments. Première à prendre la parole, Stéphanie Aouine, l'avocat général. Pour elle, Thierry Ransinangue, cet accusé au profil de « Monsieur Tout le monde », du « Landais lambda », s'est mué, « par choix », en « bombe à retardement », à compter de la violation de son domicile, en 1990.Le harcèlement dont il s'est déclaré victime pendant seize années ? « Une persécution fantasmée », estime la représentante du ministère public qui en vient rapidement aux faits. Et égraine les indices tendant à démontrer la volonté de tuer qui animait alors Thierry Ransinangue : la carabine chargée avec laquelle il part « déterminé » de son domicile pour se rendre chez ses voisins, son alcoolisation qui « le rend plus fort », et puis cet « élément déclencheur », « la vision de celui qu'il considère comme son persécuteur, Philippe Guignet ». « La haine remplace alors la peur », estime Stéphanie Aouine pour qui la tentative de meurtre et le meurtre sont constitués. Et il en va de même selon l'accusation pour le caractère homophobe du crime.« Que dit le code pénal ? Cette circonstance aggravante est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits […] portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime à raison de son orientation sexuelle », lit la substitut du procureur de Mont-de-Marsan avant de rappeler les insultes et les propos tenus par l'accusé au moment des faits (1). La démonstration s'achève ; le couperet tombe. Vingt ans de réclusion criminelle sont requis.« Une enquête bâclée »C'est le tour des duettistes de la défense, Me Cathy Garbez-Chambat et Me Frédéric Dutin. Honneur aux dames. Et l'avocate démarre par la tentative de meurtre de Philippe Guignet. « Rien ne permet de l'établir », lance-t-elle aux jurés. « Elle repose sur l'unique version d'un homme dont on sait par les experts qu'il vit dans le déni », dira quelques instants plus tard son confrère pour renforcer la demande d'acquittement. Le meurtre de Dominique Leclere ? Les deux conseils plaident la requalification des poursuites en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner avec usage d'une arme ». « Thierry Ransinangue est honnête. Il a toujours dit qu'il n'avait jamais voulu tuer qui que ce soit. En rendant la justice, vous devez condamner un homme pour ce qu'il a fait, pas pour les intentions qu'on lui prête », insiste Me Garbez.Et Me Dutin de prendre le relais. De revenir sur les lacunes de la procèdure qui ne contient ni expertise balistique, ni analyses génétiques. « Une enquête bâclée qui ne permet pas d'avoir de certitudes. Or, sans certitude, il y a le doute qui doit profiter à l'accusé », explique-t-il au jury. Auquel il demande également de « tenir compte » des expertises psychiatriques de son client : deux sur trois ont conclu à l'altération du discernement au moment des faits. « Pourquoi Thierry Ransinangue est allé là-bas, ce soir de 2006 ? Parce que cet homme qui rumine depuis seize ans veut savoir », lâche l'avocat. « Comment peut-on imaginer que ce fils d'immigrés qui se sont rencontrés dans un camp de déportation, pendant la Seconde Guerre mondiale, ait pu vouloir exterminer des personnes tout simplement parce qu'elles avaient des orientations sexuelles différentes de la sienne ? C'est incroyable ! », tonne Cathy Garbez.Le jury et la cour, eux non plus, n'y ont pas cru.(1) Lire nos précédentes éditions. 

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