Maître DUTIN dans France Bleu - Drame d'Ychoux : "Il voulait m'attaquer avec une pelle, c'était lui ou moi" assure l'accusé aux Assises

Le procès se tient dans le nouveau Palais de justice de Mont-de-Marsan, qui regroupe le pénal, civil, commerce et le conseil des prud'hommes. Le bancs des accusés et des prévenus. Illustration. © Radio France - Solène de Larquier

Le procès se tient dans le nouveau Palais de justice de Mont-de-Marsan, qui regroupe le pénal, civil, commerce et le conseil des prud'hommes. Le bancs des accusés et des prévenus. Illustration. © Radio France - Solène de Larquier

Lors de ce premier jour de procès à la Cour d'Assises des Landes, Claude Gorsky, accusé de tentative d'assassinat sur fond de haine raciale, assure qu'il n'a pas voulu tuer Saïd El Barkaoui, sur qui il a tiré à cinq reprises en 2018. Selon lui, c'était de la légitime défense.

Le procès se tient dans le nouveau Palais de justice de Mont-de-Marsan, qui regroupe le pénal, civil, commerce et le conseil des prud'hommes. Le bancs des accusés et des prévenus. Illustration. © Radio France - Solène de Larquier

Premier jour de procès, ce vendredi 1er octobre, à la Cour d'Assises des Landes pour retracer le drame d'Ychoux. Claude Gorsky, retraité, est jugé pendant cinq jours pour tentative d'assassinat sur fond de haine raciale à l'encontre de Saïd El Barkaoui, un voisin sur qui il a tiré à cinq reprises avec son pistolet, le 20 mai 2018. Plus de trois ans après les faits, la famille de la victime découvrait pour la première fois le visage de l'accusé. Le retraité assure qu'il ne comptait pas tuer Saïd El Barkaoui, mais que c'était de "la légitime défense". Il assure également qu'il n'est pas raciste. Au procès, la cour s'est intéressée pour ce premier jour à la personnalité de l'accusé. Des témoins ont également été entendus.

Claude Gorsky assure qu'il n'a fait que se défendre

Bras croisés, masque sur la bouche, lunettes sur le nez et crâne dégarni, Claude Gorsky se présentait ce vendredi matin à la Cour d'Assises des Landes. En liberté conditionnelle, l'accusé n'était donc pas dans le box, mais assis à côté de ses deux avocats. En face, les avocats des parties civiles, près de la famille de la victime, Saïd El Barkaoui, décédé deux semaines après les coups de feu tirés par son voisin. Claude Gorsky, bientôt 70 ans, a pris la parole en début d'audience.

Le retraité, à l'aise pour s'exprimer devant la Cour d'Assises, assure alors qu'il n'a pas voulu tuer son voisin, mais que c'était un "instinct de survie". Claude Gorsky explique alors qu'il vivait dans la peur : "J'avais reçu des menaces quelques jours avant les coups. Une peur amplifiée par le fait que Saïd était impliqué dans une rixe au couteau, qu'il y avait des bagarres devant  la maison." Selon l'accusé, son voisin a été le premier à l'attaquer ce jour-là : "Il voulait m'attaquer avec une pelle, c'était lui ou moi."

L'accusé refuse aussi d'être qualifié comme raciste. Il raconte alors ses longs séjours professionnels en Arabie Saoudite ou encore en Egypte, ses 15 années passées à l'étranger. Cet ancien marin, devenu électronicien pour Thomson puis Thales, s'agace : "Qu'on ne me traite pas de raciste, ça non, je ne peux pas". Le retraité, installé à Ychoux il y a près de 10 ans, l'assure : "J'ai passé cinq belles années de retraite, jusqu'à ce qu'ils viennent s'installer devant chez moi." Commence alors le conflit de voisinage : la famille de la victime met la musique trop fort selon l'accusé, il insulte sa femme à plusieurs reprises, vend de la drogue devant son domicile. 

Que dit l'enquête de personnalité ?

L'enquêteur de personnalité présente alors son rapport à la cour. Il décrit un homme respectueux, jovial, mais imprécis dans ses souvenirs et qui ne mesure pas la gravité des choses. "D'un déconcertant naturel, lance l'enquêteur. Claude Gorsky minimise, banalise les faits. Il me dit que son voisin était un caïd et que cette chose devenait insupportable. Il compare le passage à l'acte avec le lancer de missiles [tache effectuée dans le cadre de son métier, ndlr], disant qu'il fallait aller au bout de la procédure." 

L'enquêteur a aussi rencontré les proches de l'accusés, particulièrement sa famille, "son clan", terme répété par plusieurs membres de la Cour lors de l'audience, n'ayant pas trouvé d'amis du couple. La femme de l'accusé a alors décrit son mari à l'enquêteur comme quelqu'un de "calme, mais capable de s'énerver sur des faits d'actualité."

Un fait a été particulièrement souligné par un des avocats des parties civiles : l'accusé était également en conflit avec un autre voisin. En 2013, il aurait insulté un des ouvriers portugais de ce voisin, en l'insultant de "sale arabe", puis serait rentré en conflit directement avec le voisin. Claude Gorsky lui a alors jeté une buche au visage. Le voisin en question a eu deux jours d'ITT, et l'accusé avait eu un rappel à la loi.

Des SMS racistes selon les avocats des parties civiles

L'après-midi, les premiers témoins ont été entendus dans cette affaire de conflit de voisinage, sur fond de haine raciale selon les proches de la victime. C'est alors que l'audience a pris une toute autre tournure. Après avoir entendu le président du club de rugby d'Ychoux, où la femme de l'accusé travaillait, deux des fils Gorsky ont pris la parole. Le premier, l'aîné, a qualifié Saïd El Barkaoui "d'enfant terrible du village, Billy le Kid.L'homme de 44 ans, au bord du malaise à la barre, assure que ses parents vivaient un enfer, ce qu'expliquera aussi leur mère interrogée en fin de journée : "Il était la caricature de ce que mon père rejetait", explique le fils, assurant toutefois que son père n'est pas raciste.

Puis c'est au tour du cadet de venir à la barre. "Je suis très en colère, on essaye de faire passer ma famille pour ce qu'elle n'est pas. Parler de racisme, c'est balayer ce qu'était Saïd El Barkaoui." Très remonté, il raconte qu'il connait la victime depuis le collège et assure que toute la commune savait qu'il vendait de la drogue : "Moi-même, je lui ai acheté du cannabis. Il arnaquait des amis à moi [...] Je le soupçonne d'avoir tenté de me cambrioler." En face, les avocats on insisté sur des propos tirés de rumeurs uniquement, sans faits précis relatés.

Les avocats des parties civiles ont égalemment questionné le témoin sur des SMS envoyés quelques jours après les faits entre lui et des proches. Maitre Dutin lit alors des extraits. Le fils parle de "justice divine", en apprenant que la victime est décédée. "C'est le karma", lance l'homme devant la Cour, assumant ses propos. Lors de la marche blanche organisée pour la victime, un SMS a également été retrouvé, écrit de sa main : "On fait des marches pour des héros, pas pour des enculés." Dans la salle d'audience, la femme et la soeur de Saïd El Barkaoui bouillonnent.

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D'autres SMS sont lus par l'avocat, dont un relatant un échange entre la mère et le fils. La femme indique à son fils que la cagnotte lancée pour la victime a récolté plus de 14 000 euros. Elle écrit alors qu'une amie à elle allait pouvoir "dénoncer" la femme de la victime à la CAF, en expliquant qu'elle était désormais "riche". Juste derrière ces propos, le fils écrit à sa compagne, le 15 juin, quelques jours après la mort de Saïd : "Le soleil brille  [...] un arabe en moins sur la terre." Le fils se défend : il s'agit de blagues de "mauvais gout", et parlait "sous le coup de la colère".

Lundi, lors de la reprise du procès, les experts psychiatres seront entendus et une reconstitution des faits sera réalisée.

Frédéric DUTINaccueil